En archéologie, les rituels funéraires sont toujours complexes à appréhender, restituer et comprendre. L’abondance des témoignages matériels qu’ils peuvent parfois laisser est trompeuse, car ne correspondant qu’à un moment précis des funérailles, celui du dépôt dans la tombe du défunt et du matériel l’accompagnant. Les autres phases du rituel, de la préparation du corps à la commémoration, sont souvent mal documentées tandis que les nombreuses substances organiques n’ont que rarement survécu à l’épreuve du temps. Parmi celles-ci, les offrandes biologiques (végétales/florales, alimentaires, cosmétiques, aromatiques, médicinales et magico-thérapeutiques…) posent de nombreux problèmes d’identification et d’interprétation, dans le cadre des funérailles ou des commémorations.

La manipulation, consommation, l’offrande de matériaux et produits biologiques sous forme de dépôt, de libation, d’ornement (tapis de fleurs, couronnes végétales…) représentent des moments forts des funérailles et célébrations, avec une gestuelle codifiée où les liquides comme les larmes, le sang, le lait, le vin, l’huile, le parfum coulent pour le défunt tandis que les offrandes alimentaires peuvent être très diversifiées (oeufs crus ou cuits, pains, galettes, bouillies, oiseaux crus ou cuits, parts de viandes, ragouts…). Parfois, ce sont des fac-similés en terre cuite qui remplacent les offrandes alimentaires tandis que des vases à parfum déposés dans la tombe ont pu ne jamais contenir de parfum comme l’attestent différentes campagnes d’analyses de contenus.

Si le défunt n’a pas le même statut avant et après avoir été déposé dans la tombe, il a des besoins qui doivent être comblés et les offrandes biologiques contribuent, avec la gestuelle rituelle, à le satisfaire tout en exaltant son souvenir dans la communauté des vivants.

Ces problématiques, le rôle fonctionnel et le statut symbolique des différentes offrandes biologiques font l'objet d'une série de séminaires organisées par le GAAF et MAGI. Les différentes sources littéraires, épigraphiques et iconographiques seront convoquées pour être croisées avec les données archéologiques et archéométriques afin d’arriver à une meilleure compréhension de la place des offrandes biologiques dans les rituels funéraires, du Néolithique à l’époque moderne.

 

INRAP V. Bel

Quels témoins des rituels funéraires ?

Les dépôts de vases et de restes animaux ou végétaux retrouvés dans les tombes ou les bûchers de l’époque romaine sont considérés aujourd’hui comme les témoins des pratiques alimentaires et sacrificielles effectuées dans le cadre des rituels funéraires. Parce qu’ils sont particulièrement bien représentés, les récipients en céramique constituent la principale source d’information pour tenter de mieux caractériser ces pratiques. Les formes des vases et leurs fonctions supposées donnent en effet des indications sur les grandes catégories de contenants impliqués dans les funérailles : vases pour le transport, le stockage, le service ou la préparation des aliments liquides ou solides ; vases pour les parfums, les préparations médicinales ou l’éclairage. Sauf dans le cas spécifique des amphores ou en présence de restes osseux animaux, il est impossible de caractériser les contenus de manière plus précise. En outre, un tel classement ne tient pas compte du caractère probablement polyfonctionnel de certains récipients ou des détournements d’usages dans le cadre particulier des pratiques funéraires.
L’analyse organique permet aujourd’hui l’identification d’un grand nombre de matériaux biologiques que l’on pensait disparus, à partir de très faibles quantités de substances conservées. La grande sensibilité des analyses (quelques µg) donne accès aux contenus invisibles à l’oeil.

Libation

Objectifs des analyses organiques

Les développements méthodologiques testés sur les objets issus des fouilles LGV menées par l'INRAP avaient deux objectifs principaux :
- tenter de cerner de manière plus précise le ou les contenu(s) des récipients à partir de prélèvements effectués sur les parois internes.
Dans ce cas, les produits détectés peuvent renseigner sur l'utilisation du vase dans un cadre domestique antérieur à son introduction dans la sphère funéraire. Ils peuvent également correspondre aux produits consommés dans le cadre du repas funéraire partagé entre le mort et les vivants. Enfin, il peut s'agir de traces de dépôts placés dans la tombe et destinés à honorer le défunt.
A chaque contact avec un matériau fluide, l'objet en céramique est imprégné. Ses parois gardent donc la « mémoire » de chaque utilisation. L'interprétation doit être discutée au cas par cas en fonction des arguments chimiques (intensité, nature des associations moléculaires, dégradation de la matière…) et archéologiques (contexte et modalité du dépôt).

- évaluer s'il était possible de retrouver des traces éventuelles de gestes de libations par les analyses chimiques, en effectuant des prélèvements sur les parois externes des ossuaires issus de tombes de lâge du Fer.

Articles :
- tombes protohistoriques : Bel et al., actes du colloque MAGI, nov. 2015, Ecole Française de Rome (à paraître).
- contextes funéraires de l’âge du Fer et de l’époque romaine dans le cadre de fouilles préventives réalisées par l’Inrap en 2013 et 2014 : Bel V., Garnier N., Barberan S., Compa, M., Forest, V., Jung C. (2016). Les analyses chimiques organiques : une nouvelle piste d’étude des pratiques funéraires. In SFECAG, actes du colloque d’Autun (5-8 mai 2016).